Cendres

Publié le 26 Février 2020

La poussière dont je suis pétri ne m'avertit pas seulement de m'humilier; c'est encore un pressant motif que j'ai d'aimer et de louer le grand ouvrier, qui , par une merveille de sa puissance et de sa bonté , a imprimé son image sur un fond si méprisable. Quelles actions de graces vous en rendrai-je, Seigneur? Je ne puis vous en rendre de plus agréables qu'en élevant les yeux vers vous , toutes les f'ois que je les jetterai sur moi ; qu'en louant incessamment l'auteur à la vue de l'ouvrage; qu'en vous aimant en moi et ne m'aimant que pour vous; et qu'eu conservant enfin , avec un soin extrême , cette glorieuse ressemblance dont vous m'avez honoré.

Que deviendrai-je un jour ? Je retournerai en poussière; c'est l'arrêt que Dieu a porté contre Adam et toute sa postérité. Pourquoi l'a-t-il porté?
. Pour nous faire concevoir la malice du péché , qui a mérité qu'un si parfait ouvrage des mains de Dieu fût si honteusement détruit. Un seul homme , dit S. Paul, a fait entrer le péché dans le monde , et le péché y a introduit la mort: (Rom. 5, n }. Si je faisais souvent cette réflexion , le commettrais-je si aisémen t?
2. Pour entretenir en nous un continuel remède à notre orgueil. C'est à la poussière du tombeau qu'aboutiront le faste et toute la grandeur humaine; c'est là que se vont briser toutes les fortunes de la terre. Hélas ! quelles Sont fragiles! Il faut me dire souvent: Je marche aujourd'hui sur la poussière , et on marchera demain sur moi. Un criminel condamné à la mort, et qui attend incessamment l'exécution de sa sentence , a-t-il de quoi s'enorgueillir?
3. Pour nous inspirer des sentiments de pénitence. C'est ce que le S.-Esprit a voulu nous faire entendre par ces paroles mysterieuses: Courez-vous de poudre dans te lieu de la poussière (Mich. i , io); c'est-à-dire , vous qui vivez dans un corps qui n'est que poudre , prenez le sac et la cendre , et avec ce triste appareil de pénitence, présentez-vous au Seigneur pour fléchir sa colère.
C'est la posture dans laquelle je paraîtrai désormais devant vous, 6 mon Dieu; et je suis sur, fondé sur votre parole et sur vos bontés, que vous ne mépriserez pas mon cœur , le voyant contrit et humilié (Ps. 5o, io) en votre présence.
Que je suis à présent , sinon de la poussière ? N'est-ce pas pour nous en avertir, que le Seigneur nous dit : Souviens toi , homme , que tu es poudre. Remarquons qu'il ne lui dit pas seulement de se souvenir qu'il est sorti de la poussière er qu'il y doit retourner , mais qu'actuellement il est poussière.
C'est là un grand fond d'humiliation à tout homme , mais c'en est encore un autre bien plus grand pour moi , de m''être tellement avili et rabaissé par le péché , que je ne suis pas moins terre et poussière par mes inclinations basses et terrestres -, que par la matière
dont je suis formé. Ce n'est pas seulement par là que je suis semblable à la poussière; j'en ai même la légèreté, m'étant laissé si souvent emporter à tous les vents des tentations, sur-tout à celui de la vaine gloire. Que de bassesses, que d'instabilités, que de faiblesses ! Sur quoi donc est /bridé ton orgueil, poudre et cendre? (Eccl. io , 2).
Voilà ce que je dois me demander souvent, pour tirer du fond même de mes misères, un remède efficace à ma superbe. Mais cela  ne peut venir que de votre grâce , ô mon Dieu. Je suis , à la vérité , bien résolu de porter celte salutaire cendre continuellement sur ma tête; mais c'est à vous de la faire passer jusque dans mon cœur. Je ferai attention à cette voix de mort qui sort des sépulcres; mais, si vous n'y joignez la vôtre , je ne tirerai nul profit de l'autre. Je me souviendrai bien , comme vous me l'ordonnez , que je ne suis que poudre ; mais daignez vous en souvenir vous-même , pour avoir pitié de ma faiblesse ; animez cette argile de l'esprit de votre grâce, et rendez-la capable d'en conserver les impressions.
 
Nouvel abregé des meditations du Pere Louis du Pont,

 

Rédigé par Cdl Balthasar

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article